Chanceuse d’avoir échappé à un « filet fantôme » : les agents de conservation des Seychelles ont sauvé la vie d’une tortue marine
Un récit édifiant ; les conséquences de l'abandon ou de la perte des équipements de pêche en mer sont bien réels lorsqu’on voit cette jeune tortue verte complètement prise au piège dans un filet fantôme (Sam Balderson, Island Conservation Society Seychelles)
(Seychelles News Agency) - L'atoll isolé d'Alphonse qui est situé dans les îles périphériques de l'archipel des Seychelles est un paradis pour les oiseaux et la ponte des tortues.
Cependant, pour une jeune tortue verte, Alphonsesembla être la toile de fond de sa mort imminente vu qu’elle s’est échouée sur la plage après avoir lutter longuement avec un filet de pêche qui avait piégé tous ses membres, la rendant complètement impuissante contre les éléments.
Ce sont des « filets fantômes », abandonnés ou perdus en mer par les pêcheurs, les filets flottent en mer, parcourant parfois des distances énormes et piégeant d’innombrables espèces marines. Ils sont le danger qui rôde sous la surface de la mer, un fléau qui est à la fois une menace pour la vie marine et pour ceux qui dépendent des bienfaits de la mer, en tant que moyens de subsistance.
L’Organisation des Nations Unies pour l‘agriculture et l’alimentation (FAO) a estimé que les filets fantômes représentent un total d’environ 640 000 tonnes de déchets flottants en mer qui menace la vie marine et présente des risques pour les navires.
Un sauvetage fortuit
Heureusement, dans ce cas précis, la jeune tortue a été repérée juste à temps par un agent de conservation qui était en train de patrouiller sur la plage mercredi dernier.
Chris Nanty, qui travaille à la "Société de conservation des îles ( ICS) des Seychelles" sur Alphonse, est devenu le sauveur de la tortue.
Chris Nanty, agent ICS Seychelles, a soigneusement et doucement retiré le filet de la carapace déchiquetée de la jeune tortue en détresse, qui s’est échouée sur les rives de l’Atoll d’Alphonse (Sam Balderson, Island Conservation Society Seychelles) Photo License: All Rights Reserved |
S’adressant à la SNA dans une interview par email, Sam Balderson, l'agent de conservation ICS basé sur Alphonse, a raconté que Nanty effectuait une patrouille de routine sur la plage, qui implique la recherche de pistes de nidification des tortues, le comptage des oiseaux de mer et des échassiers et généralement à la recherche de quelque chose qui sortirait de l'ordinaire.
« Chris arrivait à la fin de sa patrouille ce matin quand il a vu un gros tas de filet échoué sur la plage à la ligne de marée haute, » a-t-il déclaré. «Quand il a voulu en savoir plus sur le filet, c’est là qu’il a trouvé une jeune tortue verte empêtré dedans. La tortue était complètement bloquée à cause du filet qui était enroulé autour de ses quatre nageoires et de sa tête. »
Réalisant qu'il ne serait pas en mesure de retirer le filet facilement, il a couru vers le centre de conservation d'ICS pour attraper une paire de ciseaux et a alerté Balderson de la situation, qui est venu lui prêter main forte.
« La tortue était très faible, mais une fois qu'elle a été dégagée du filet et emmenée au bord de l'eau, elle s’est rendu compte qu'elle était libre et a doucement nagé vers le large quand Balderson l’a remise à l’eau, » a déclaré Balderson à la SNA. « Heureusement, le filet n’avait pas causé de graves coupures aux palmes de la tortue, mais il avait causé quelques éraflures profondes dans sa carapace lorsqu’elle s’était battue pour tenter de se libérer. »
Un moment spécial : Sam Balderson, agent de conservation basé sur Alphonse, libère la jeune tortue faible mais soulagée, en la remettant à la mer (Chris Nanty, Island Conservation Society Seychelles) Photo License: All Rights Reserved |
Lapointe de l'iceberg
Le Soulagement fut le sentiment général de la journée, pour Nanty et Balderson mais probablement aussi pour la tortue, qui était probablement à quelques heures seulement de devenir une proie facile pour les crabes de plage opportunistes.
Cependant, la jubilation de l'équipe ICS d'avoir sauvé la vie d'une créature en voie de disparition a été tempérée par le fait que cette petite tortue était juste une des nombreuses victimes des filets fantômes, et que les agents de conservation ne seront pas en mesure de les sauver toutes.
En dehors de la saison de nidification des tortues, les patrouilles de plage ne sont pas toujours réalisées quotidiennement, et les patrouilles sur l'atoll voisin de Saint-François sont effectuées qu'une fois par mois.
Luttant avec des ressources limitées et les défis de personnes en poste sur une île isolée, la petite équipe nettoie aussi les plages une fois par semaine pour tenter de réduire les quantites massives de déchets qui s’échouent sur les plages provenant des pays voisins et des navires de pêche de la région.
Les guides de pêche à la mouche errant dans les eaux bleues azur peu profondes de l'Atoll d’Alphonse viennent parfois croiser des tortues comme cette belle jeune tortue à écailles, qui s’est coincée dans un vieux sac. (Wayne Haselau) Photo License: All Rights Reserved |
Une histoire trop commune
Malheureusement, l'histoire particulière de cette petite tortue se répète fréquemment, avec bien souvent beaucoup moins de fins heureuses.
Selon Balderson, il entend régulièrement des rapports sur des animaux retrouvés pris au piège dans des engins de pêche et d'autres débris marins, soit par des membres du personnel d’ ICS et des guides qui travaillent pour les chalets de pêche à la mouche sur l'atoll, ainsi que par ses collègues qui sont en poste sur d’autres îles périphériques.
« Nous avons vu des tortues capturées dans des dispositifs de concentration de poissons (DCP), qui sont une autre forme de filets fantômes, y compris une tortue olivâtre morte, une espèce rare aux Seychelles et qui avait été retrouvé il y a quelques années, » a-t-il dit, ajoutant que le problème n'a pas seulement affecté les tortues, mais aussi les oiseaux marins, en particulier les fous à pieds rouges, dont les pattes se retrouvent enchevêtrées dans des lignes de pêche et finissent par trouver la mort.
Balderson affirme qu'il est impossible de dire si le dernier sauvetage subirait des effets secondaires à long terme suite au traumatisme subi et après être restée coincé.
« Chaque fois que vous relâchez un animal comme ça, vous savez qu'il y a une chance qu'il pourrait ne pas survivre, » a-t-il dit. « Ceci étant, les tortues sont assez résistantes, nous en avons vu ici avec des palmes manquantes, qui peuvent avoir aussi été potentiellement amputées par des lignes de pêche ou des filets, et qui continuent à survivre."
« Nous avons vu une tortue verte femelle qui s’efforçait de rejoindre la plage pour essayer de pondre ses œufs, mais elle avait perdu une nageoire et ne pouvait pas bien creuser le nid... c’était assez triste à voir. »
Pas aussi chanceuse : cette tortue olivâtre, chose très rare aux Seychelles, est décédée après s’être faite coincée dans un filet fantôme il y a quelques années sur l’île d’Alphonse (Aurelie Duhec, Island Conservation Society Seychelles) Photo License: All Rights Reserved |
En première ligne de la crise mondiale des ordures marines
Selon Balderson, les filets fantômes rejetés en mer, qui sont faits de matériaux non biodégradables, continuent à « pêcher » quand ils dérivent à travers les courants de l'océan pendant des années, voire des décennies, emmêlant et tuant une grande variété de vie marine, notamment les tortues, les requins, les raies, les oiseaux marins, les dugongs, les baleines et les dauphins.
Comme avec tous les débris marins, il est très difficile de dire exactement d’où ils viennent. Il est possible de regarder la taille et la construction (le type de matériau utilisé et les nœuds) pour avoir une bonne idée pour quel typede pêche le filet était utilisé et peut-être du pays d'origine, » a déclaré Balderson à la SNA.
« Évidemment des navires plus grands rejettent des filets plus grands et des lignes plus longues, donc si ceux-ci se perdent ils causent des problèmes plus importants, » a-t-il dit, ajoutant que le problème n’était pas un problème spécifique aux Seychelles, mais qui affecte le monde entier.
« On doit trouver un consensus entre les gouvernements et les organisations régionales de gestion des pêches pour lutter contre les formes les plus néfastes de la pêche», a-t-il dit. « Si les Seychelles imposent des restrictions sur certains types de filets de pêche, les filets fantômes provenant de l'extérieur de la ZEE des Seychelles peuvent encore dériver dans la région. »
Trop tard : une autre victime des filets fantômes, une tortue verte en voie de disparition, flotte inanimée dans l'eau (Tony Jupiter, Island Conservation Society Seychelles) Photo License: All Rights Reserved |
Un danger pour les bateaux et les moyens de subsistance
Le dilemme posé par les filets fantômes n’est pas seulement un problème qui affecte la vie marine en voie de disparition mais c’est aussi celui du danger important qu’il représente pour les bateaux, car ils peuvent se prendre dans les hélices. Les filets fantômes, en particulier les grands, peuvent aussi affecter les réserves de poissons, générant ainsi une perte économique pour les pêcheurs.
« C’est difficile de l’éviter, mais il existe de bonnes initiatives tels que ; le marquage des filets afin de remonter jusqu’aux pêcheurs qui les ont perdus ; des méthodes appropriées pour supprimer les vieux filets de pêche de sorte qu'ils soient moins susceptibles d'être rejetés, » a déclaré Balderson à la SNA, ajoutant que certains pays incitent même financièrement les pêcheurs à jeter leurs vieux filets en toute sécurité.
Une solution serait aussi que les fabricants utilisent des matériaux plus biodégradables pour fabriquer les engins de pêche, réduisant ainsi l'impact sur l'environnement à long terme causés par les engins de pêche perdus.
« Je pense que dans la majorité des cas, les pêcheurs ne veulent pas perdre leurs engins de pêche, après tout, cela représente une perte financière importante pour eux, en particulier à l'échelle des petits pêcheurs artisanaux, » a déclaré Balderson.
« Peut-être qu’il y a un besoin nécessaire de formation, pour faire en sorte que les pêcheurs pêchent avec des méthodes permettant de réduire la perte d'engins. La technologie devrait être utilisée pour aider cela, tels que des dispositifs de suivi sur les engins, une cartographie du fond marin pour améliorer les connaissances des zones où les engins sont susceptible de se perdre, ainsi qu’une meilleure information sur les fermetures saisonnières de certaines zones, des sites où on a plus de chance d’attraper des espèces non visées, des aires de reproduction et des voies migratoires. »
ICS Seychelles poursuit ses efforts pour aborder la question des dispositifs perdus ou abandonnés de concentration du poisson (DCP), qui affectent sérieusement les îles périphériques de l'archipel des Seychelles.
« On espère que les données recueillies grâce à ce travail pourront aider à informer les décideurs sur les mesures qui doivent être prises pour remédier à ce problème», a conclu Balderson.