Lula, l'icône de la gauche brésilienne proche de la case prison
Luiz Inacio Lula da Silva, 72 ans EVARISTO SA / AFP
(AFP) - Ancien métallo devenu président du Brésil, Lula a vu son fabuleux destin prendre une tournure amère mercredi, après une décision défavorable de la Cour suprême qui devrait entraîner son incarcération dans les prochains jours.
Luiz Inacio Lula da Silva, 72 ans, a connu la faim, mais il est parvenu à se hisser au sommet de l'Etat.
La chute est d'autant plus vertigineuse, pour celui qui nourrissait toujours une ambition de retour au pouvoir, qu’il était donné en tête des intentions de vote pour la présidentielle d'octobre, huit ans après son départ avec un taux de popularité record.
Mercredi, la Cour suprême lui a refusé par six voix contre cinq un habeas corpus qui lui aurait permis de rester en liberté jusqu'à l'épuisement de tous les recours, ce qui aurait pu durer des mois.
Début mars, il admettait dans un entretien à l'AFP penser "tous les jours" à la prison, mais il ajoutait: "Je n'ai pas peur et je ne suis pas inquiet".
Même s'il a été rattrapé par les méandres du plus grand scandale de corruption de l'histoire du Brésil, Lula reste perçu comme "près du peuple" et dispose encore d'un réservoir de voix considérable, notamment dans les régions pauvres du nord-est, dont il est originaire.
Celui qui a longtemps incarné l'image d'un pays conquérant et ouvert sur le monde se dit victime d'un "pacte diabolique" visant à l'empêcher de revenir au sommet.
En juillet, son ennemi intime, le juge anticorruption Sergio Moro, l'a condamné à neuf ans et demi de prison pour avoir obtenu un triplex en bord de mer d'une entreprise de bâtiment en échange de contrats publics.
Une peine alourdie à 12 mois et un an en appel, à la mi-janvier.
"Une peine de prison peut être très longue, comme celle de Mandela (...) 27 ans, ou très courte comme celle de Gandhi. Je ne suis pas inquiet et ma seule préoccupation est de prouver mon innocence", a affirmé Lula lors de son entretien à l'AFP.
- Success-story -
Rien ne prédisposait à un tel destin ce cadet d'une fratrie de huit enfants, né le 6 octobre 1945 dans une famille d'agriculteurs pauvres du Pernambouc (nord-est).
Enfant, Lula a arpenté les rues pour cirer des chaussures dans l'espoir de ramener un peu d'argent à la maison. Il a sept ans lorsque sa famille émigre à Sao Paulo pour échapper à la misère.
Vendeur ambulant puis ouvrier métallurgiste à 14 ans, il perd l'auriculaire gauche dans un accident du travail. A 21 ans, il entre au syndicat des métallurgistes et en devient le président en 1975.
Il conduit les grandes grèves de la fin des années 1970, en pleine dictature militaire (1964-1985).
Fondateur du Parti des Travailleurs (PT) au début des années 80, Lula se présente pour la première fois à l'élection présidentielle en 1989 et échoue de peu. Après deux nouveaux échecs, en 1994 et 1998, la quatrième tentative sera la bonne, en octobre 2002. Il est réélu en 2006.
Premier chef de l'Etat brésilien issu de la classe ouvrière, il a mis en oeuvre d'ambitieux programmes sociaux, en bénéficiant des années de croissance portées par le boom des matières premières.
Sous ses deux mandats (2003-2010), près de 30 millions de Brésiliens sont sortis de la misère.
Sa success-story a conféré au Brésil une stature internationale de premier plan, lui permettant de décrocher l'organisation des deux plus grands événements sportifs planétaires: le Mondial de football, en 2014, et les jeux Olympiques, en 2016 à Rio de Janeiro.
- Échecs douloureux -
Idéaliste mais pragmatique, il est passé maître dans l'art de tisser des alliances parfois contre-nature ou de se débarrasser d'amis devenus gênants.
En 2005, il a décapité toute la direction PT, impliquée dans un scandale d'achat de votes.
Cela ne l'a pas empêché de terminer son second mandat avec un taux de popularité de 87%. Mais, paradoxe, Lula est aussi franchement détesté par une partie des Brésiliens.
En octobre 2011, il a souffert d'un cancer du larynx après son départ du pouvoir.
Sa tentative de retour aux affaires en tant que ministre de sa dauphine, Dilma Rousseff, en mars 2016 avait été un échec qu'il avait mal vécu, tout comme la destitution de celle-ci pour maquillage des comptes publics en août de la même année.
En février 2017, Lula a dû affronter une épreuve intime avec la mort de son épouse, Marisa Leticia Rocco, son premier soutien durant 40 ans de lutte.